Revente de sa moto: maximiser ses chances
- 2024-09-10
- Conseils & Astuces
Dans cet article, on te donne une liste de choses à respecter si tu veux maximiser tes chances pour faire une bonne…
Lire plusAlors que je suis tranquillement en train de consulter la carte, assis sur ma moto sur une place en gravier, j’entends un énorme crissement de pneus sur l’asphalte. Je lève la tête et vois cet utilitaire blanc m’arriver dessus à pleine vitesse. Mon cerveau analyse les cas de figure mais bug car ça lui parait impossible. Mais je n’ai bientôt plus le temps d’attendre, le véhicule est à quelques dizaines de mètres de moi et continue de déraper dans ma direction. Il faut que je prenne une décision. Mais laquelle…
Mais laissez-moi revenir un peu en arrière. Je dirais tout d’abord en préambule que cette histoire est 100% vraie, que rien n’a été inventé. Il y a 4 témoins identifiés (en plus de moi) ainsi que le chauffard en question (que nous avons retrouvé et dont nous avons l’identité). Et si vous n’avez que deux choses à retenir de cet article :
[4 Septembre 2020]. Après une première journée qui m’a permis de me décrasser un peu sur la route de Val d’Isère, en passant par le Col de la Colombière et le Cormet de Roselend, je me réveille d’une nuit bien reposante vers 7h. La station est encore endormie et étonnamment calme, en raison de la situation sanitaire.
Après avoir pris un café et un petit déjeuner sur le pouce, dans la boulangerie adjacente à l’hôtel, je sangle la bagagerie sur la bécane. J’ai une longue route devant moi. Au programme :
Étant féru de grands espaces et de voyages, j’ai lancé Cruizador pour palier à ce besoin de pouvoir louer des motos en voyageant. Mais, et c’est sans doute paradoxal, depuis que j’ai lancé Cruizador, et devant la quantité de tâches quotidiennes à accomplir, je n’ai plus vraiment le temps de voyager et encore moins de faire de la moto. J’essaie quand même de faire un road-trip de quelques jours par année afin de me reconnecter avec les origines du projet.
Comme je me rends en effet à l’Alpes Aventure Moto Festival (plus d’info ici), dans la station de la Barcelonnette, en tant qu’ambassadeur pour Cruizador, je me dis pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable en passant par la Route des Grandes Alpes ? Mais là je digresse…
Bref, il est 9h du matin lorsque je me mets en route, et le soleil commence à réchauffer l’air. Les conditions sont quasi parfaites. Il n’y a presque personne sur la route, les grandes vacances étant terminées. Je croise quelques motards. Un V pour saluer. J’arrive presque à discerner leur sourire derrière leur visière teintée. Quel bonheur la moto dans ces conditions !
J’ ouvre un peu, mais pas trop non plus, l’asphalte étant encore froid. L’Iseran est avalé en une petite demi-heure. Suivent alors le Télégraphe, le Galibier et le Lautaret. On arrive à la mi-journée, et des hordes de cyclistes déferlent sur la route. Certains se filment en train de pédaler, au milieu de la chaussée. Il va falloir ralentir la cadence, sinon on risque d’en faire de la brochette. Tant pis, on s’adaptera…
Je m’arrête pour manger une morce à Briançon, toujours sur le pouce. J’ai encore envie de me mettre le Col de l’Izoard et de Vars avant la Barcelonnette. Après avoir englouti un sandwich, je me remets en piste. Je me retrouve au bas de l’Izoard, prêt à en découdre. Quelles sensations quand on peut enrouler comme ça. Ça arsouille sévère, mais on n’ouvre pas totalement, car la montée est toujours très fréquentée. Après avoir bu mon troisième café de la journée au sommet du col, je redescends sur Arvieux.
Cependant, je garde dans un coin de ma tête que je n’ai toujours pas réservé d’hôtel pour la nuit. Je ne me fais pas trop de soucis car ça n’est plus tout à fait la haute saison. Je continue à rouler, mais me dis que ça serait bien de quand même regarder sur un site de réservation si tout est hors de prix dans la station en raison du festival et si je n’aurais pas intérêt à trouver qqch un peu en dehors.
Mais je ne m’arrête pas tout de suite pour consulter la carte (oui je suis encore old-school, j’aime le charme des cartes en papier). Je suis sur la D902 qui est très roulante. Et je ne compte plus les villages, les stations-service, etc. où je pourrais m’arrêter. Néanmoins je n’ai pas envie de m’interrompre sur ma lancée. Mais la raison va bientôt l’emporter. Je passe le village de Guillestre et, environ 2km plus loin, je trouve une place en gravier à l’ombre, un peu en contre-bas de la D902A. Je fais une boucle et viens me mettre dans le sens de la montée, à l’extrême limite droite de la place. J’éteins le moteur, descends la béquille, enlève mon casque et sors ma carte routière. L’arrêt n’étant prévu que pour quelques minutes, je reste assis sur la bécane…
Lieu de l’incident à la sortie de Guillestre, France
Il est un peu plus de 15 heures, et, alors que j’ai le nez plongé dans la carte, j’entends un grondement puis des pneus qui hurlent en dérapant sur le bitume. Je lève les yeux et vois, à une centaine de mètres, un utilitaire blanc qui arrive à pleine vitesse dans ma direction. En raison de la vitesse élevée (probablement supérieure à 100km/h), l’utilitaire mord le virage à droite et déborde dans le pré. N’ayant aucun grip, il continue à se déporter dans ma direction. Des gerbes d’herbe et de terre sont projetées sur les côtés et l’utilitaire manque de taper un arbre, qui se trouve à une trentaine de mètres de moi. Le temps semble s’être figé ! S’il continue à déraper comme ça, dans 1 seconde, il va me percuter à pleine vitesse. Il faut que je prenne une décision, mais laquelle ?
Et là, sans doute grâce l’instinct de survie, je saute de la moto, et qui plus est, sur la droite, dans le talus en herbe. La moto tombe à quelques centimètres de moi et je vois l’utilitaire qui passe à 1 mètre ( !!) de la moto. Il ne freine pas, continue sa course folle sur la place en gravier, manque de taper un poteau téléphonique, puis disparaît dans un crissement de pneus lorsqu’il se retrouve sur l’asphalte.
Je me relève, comme KO. J’essaie de relever la moto mais j’ai les jambes en coton. Alors je descends dans la zone artisanale, pour trouver de l’aide. Je tombe sur un monsieur qui a vu passer le chauffard à toute vitesse. On remonte ensemble vers la place pour relever la bécane. Et j’aperçois quatre types qui entourent la moto…
Il s’agit en fait de 4 témoins, qui se sont faits dépasser sur le bout droit. Le chauffard leur a fait une queue de poisson et a pris le virage direct derrière.
En bleu, où je me trouvais, en jaune la voiture des témoins, en rouge la trajectoire du chauffard
Toutefois, le conducteur de la voiture a vu quelque chose qui lui a paru bizarre sur la place en gravier, et a fait demi-tour pour venir contrôler. Voyant la moto couchée, sans personne dessus, les 4 témoins étaient en panique. Me voyant arriver, ils poussent un ouf de soulagement. On analyse la situation à chaud pour comprendre. Et en regardant de plus près les traces sur le gravier, on se rend compte que je suis passé très, très près de la catastrophe.
On échange encore quelques mots, ils me donnent leurs coordonnées au cas où et on se quitte sur une touche d’humour. Ils m’encouragent vivement à jouer à l’Euromillion ce soir-là, car « une chance pareille, ça ne se pointe pas tous les 14 du mois ».
Ils remontent dans leur voiture et repartent. De mon côté, je fais encore quelques photos de l’endroit, au cas où pour l’assurance/la police. Mais voilà pas que la voiture des témoins revient et s’arrête à ma hauteur. Là le conducteur me dit : « tu ne vas pas le croire, mais on vient de retomber sur le chauffard, il est 500m plus bas, en train de charger un canapé dans son utilitaire. Suis-nous, on te montre. »
J’enfile mon casque, j’enfourche la bécane et me mets derrière eux. Ils m’amènent jusqu’au parking d’un restaurant. Je vois le chauffard qui remonte dans son utilitaire et est prêt à partir. Je le bloque avec la moto, enlève le casque mais garde les gants, prêt à en découdre et à lui faire passer l’envie de refaire de la route.
Heureusement, les 4 témoins sont là pour me calmer. Le chauffard sort de sa voiture, quelque peu étonné, et s’avance vers moi. Il est à quelques mètres de moi, et déjà, je sens l’alcool dans son haleine.
Je vous fais l’impasse sur la discussion qui s’en est suivie, et surtout sur mon vocabulaire fleuri. Mais en résumé, c’est un jeune qui doit avoir moins de 30 ans, et qui a clairement forcé sur l’apéro. Et il ne s’est même pas rendu compte que j’étais sur le parking plus haut. Mais petit à petit il réalise son inconscience, qu’il aurait pu me tuer et aussi se tuer. Et s’en suivent des jérémiades, qu’il est désolé, que c’est la première fois qu’il conduit bourré. Qu’il assume totalement son acte, mais ne veut juste pas d’ennuis avec la justice. Car il est indépendant et que sans son permis, il est mort. Mais vient ensuite la question fatidique. Faut-il appeler la police ?
Je suis encore sonné et pas vraiment capable de prendre une décision raisonnée. Les témoins sont aussi empruntés. Faut-il laisser une chance à un jeune ou condamner fermement un comportement meurtrier ? Mais de fil en aiguille, et comme il n’y a potentiellement que des dégâts matériels mineurs (la moto étant tombée dans un talus d’herbe), ils me disent qu’ils se porteront garant vis-à-vis de l’assurance en cas de problème. Bref on n’appellera pas la police. Et voyant que j’échange les contacts avec le chauffard, les témoins repartent pour la deuxième fois.
Alors que je m’apprête à repartir après m’être assuré que le contact donné par le chauffard était le bon, je vois la voiture des témoins revenir une troisième fois. Ils redescendent et reviennent vers nous. Ils viennent en effet de croiser une femme avec une poussette un peu plus loin. Et, étant tous pères de famille, ils ont un cas de conscience. Si le chauffard reprend le volant, et qu’il renverse quelqu’un pour de bon, ça sera leur responsabilité.
Il serait plus prudent de quand même appeler la police…Mais le chauffard propose une autre solution. Son père vivant à quelques minutes de là, il propose de l’appeler pour venir chercher le véhicule. Ok, va pour cette solution.
Sans trop rentrer dans le détail, le père débarque 5 minutes plus tard. Il ne vient même pas s’enquérir de mon état (en effet, ça n’est pas comme si son fils venait de faire une énorme connerie), nous remercie juste de ne pas avoir appelé la police. Il nous dit « vous êtes témoins, je laisse ma voiture ici et je reprends l’utilitaire à la place de mon fils ». Et ils s’en vont.
On se quitte donc tous sur le parking, et je me remets en route. Mais j’ai les jambes en coton, sans doute en raison du choc car je réalise vraiment que j’ai failli me faire cartonner comme du gibier le long d’une départementale.
Je m’arrête 300m plus loin, descends de la moto pour boire de l’eau et me calmer un peu. Mais vous ne devinerez pas qui je vois passer dans le sens contraire ? Et oui, le père et son rejeton dans l’utilitaire. Et là, une pensée me traverse. Ils ne vont quand même pas avoir le culot de revenir chercher la voiture du père, pour ne pas avoir à marcher quelques kilomètres entre leur domicile et le parking ? Eh bien oui !! Le père, bien que sachant son fils alcoolisé et représentant un danger public, s’est dit que c’était la meilleure chose à faire. Donc un comportement encore plus inconscient. Mais bon, ceci explique cela. Ne dit-on pas que le fruit ne tombe jamais bien loin de l’arbre ?
Le chauffard repasse devant moi dans l’autre sens quelques minutes plus tard, il tourne la tête et là nos regards se croisent. Il sait que je l’ai vu…
De mon côté, pris d’un sentiment de rage, j’hésite entre aller directement chez lui (j’ai son adresse), pour lui expliquer ma façon de penser ou aller porter plainte au commissariat. Il faut savoir raison garder parait-il. Je regarde sur Google où est le poste de police le plus proche et me mets en route.
Mais, et le hasard faisant enfin bien les choses, je tombe nez-à-nez avec un contrôle de gendarmerie au prochain carrefour, en réalité un peu plus bas sur la départementale.
En y réfléchissant à tête reposée, je pense que le chauffard a été averti par quelqu’un et c’est pour ça qu’il a pris le virage à toute vitesse plus haut, pour se soustraire au contrôle.
Bref, je m’arrête et vais voir l’adjudant pour lui raconter l’histoire. Mais, je déchante très vite. Bien qu’ayant vu la vidéo et les photos des traces de pneus, et après l’avoir averti de la présence de 4 témoins, et communiqué les coordonnées du chauffard (adresse, numéro de plaque, etc.) il me dit que j’aurais dû appeler tout de suite. Comme la moto n’a visiblement que des dégâts minimes, ça va être ma parole contre la sienne. Et que ça va être très difficile de prouver l’alcoolémie, s’il n’est plus au volant. Mais « ils vont quand même aller voir ».
Lorsque je leur demande s’ils ont besoin de mes coordonnées pour le dépôt de plainte, et qu’ils me disent que non, je ne me fais aucune illusion sur la suite des événements. C’est vendredi et il est déjà 17h. Ils n’ont visiblement aucune envie de faire des heures supplémentaires…
Comme vous l’aurez constaté, il n’est pas possible de se soustraire au destin. J’aurais pu m’arrêter à 50 autres endroits différents. Certains prétendent également que la moto c’est dangereux. Mais l’ironie, c’est que j’aurais pu être arrêté au même endroit à vélo ou à pied et que le résultat aurait été pratiquement pareil. Mais lorsque son heure n’a pas sonné, alors on peut s’estimer chanceux ! Avec du recul, 1m de plus et je ne serais pas en train de rédiger cet article. Toutefois, j’ai quand même eu la chance de tomber sur ces 4 témoins très bienveillants. Et si je dois retenir deux choses auxquelles je ferai attention à l’avenir :
Car en définitive, je ne peux m’empêcher de penser que ce chauffard n’en était pas à son coup d’essai. Et surtout qu’il arrivera forcément un moment où il n’y aura pas/plus ce mètre de marge! Qu’on décide de se mettre en danger, libre à soi finalement. Mais qu’on fasse prendre de pareils risques à d’autres… Et que dire du père, qui lui n’avait pas l’excuse de l’alcool pour expliquer son irresponsabilité ?! Mais le karma se chargera de régler l’ardoise.
…je me suis remis en piste le lendemain sur le Mont-Ventoux. Mais le cœur n’y était pas pendant quelques jours après. Mais d’être remonté sur la bécane directement après a aidé à ne pas mettre un terme à une relation fusionnelle avec la moto qui dure depuis des années…
Et pour la petite histoire, la moto n’a rien 🙂
J’espère que ce (long) article aura été instructif et qu’il servira également à vous préserver de pareille (més)aventure.
Safety First !
Ride on !